Nathalie Baye en couverture du magazine Version Fémina en avril 2008  

Article paru dans VERSION FÉMINA n°315, le 13 avril 2008

Nathalie Baye.
Elle incarne une redoutable casse-pieds dans Passe-passe, la comédie de Tonie Marshall. Un vrai rôle de composition pour cette actrice aussi fine que discrète.

Par Anne Michelet.

Version Fémina : Qu'est-ce qui vous a le plus séduite : retrouver Tonie Marshall ou jouer une femme fantasque ?
Nathalie Baye : Les deux ! J'accepte d'abord un film pour son sujet. Après, je regarde si le personnage m'intéresse. Le scénario peut être magnifique avec un rôle qui ne me parle pas, mais là, Tonie a écrit en pensant à moi et elle a cette imagination. D'ailleurs, je lui suis reconnaissante de m'emmener vers des choses inhabituelles, comme ce rôle d'emmerdeuse un peu loufoque, mais plutôt attachante. Ma complicité avec Tonie aide beaucoup, d'autant que le tournage n'a pas été facile à cause des scènes en voiture, sur les routes, avec une météo peu clémente...

Version Fémina : Vous formez un couple inédit avec Édouard Baer...
Nathalie Baye : Ces deux personnes ne sont pas faites pour se rencontrer, elles sont à l'opposé l'une de l'autre. Elles sont en cavale et, à force d'être agacées, de tchatcher dans cette voiture, il se crée une complicité amusante pour le public, je crois, ce qui donne un côté comédie à l'américaine plutôt sympathique.

Version Fémina : Comment naît une telle alchimie ?
Nathalie Baye : Ça nous échappe. Tout peut parfois très bien se passer dans la vie et ça ne se verra pas à l'écran. L'inverse est vrai aussi. Il y a des acteurs qui ne peuvent pas se blairer et qui tournent des scènes d'amour absolument miraculeuses. Le talent de Tonie est d'avoir eu l'idée de nous réunir, Édouard Baer et moi. Ce fut un plaisir pour moi de travailler avec lui. C'est quelqu'un d'intelligent, bourré de charme, qui a une forme d'élégance. C'est assez rare.

Version Fémina : Elle est aux antipodes de vous, cette femme...
Nathalie Baye : C'est ce qui m'amuse ! C'est un personnage de comédie bien écrit avec des dialogues drôles... Un vrai bonheur pour une actrice. Vous savez, dans la Fleur du mal, de Claude Chabrol, la femme politique que j'incarnais était aussi mon contraire ! [Rires.] C'est le plaisir de l'acteur, plus la route est longue, plus c'est intéressant...

Version Fémina : Votre personnage fait un peu penser à Christine Deviers-Joncour et à l'affaire Elf...
Nathalie Baye : Oui, à ces femmes qui naviguent dans l'univers politico-financier, avec un mélange de rapports pseudo-amoureux. Elles n'ont pas de boulot, mais rendent des services et sont payées pour des missions. Il doit exister pas mal de personnes de ce type, qui ne sont pas malhonnêtes et ont une espèce de candeur...

Version Fémina : Vous avez tourné avec les plus grands. Qu'est-ce qui vous donne toujours cette envie d'avancer ?
Nathalie Baye : Peut-être d'avoir eu la chance de commencer avec de très bons réalisateurs, justement. Ça a mis la barre assez haut. C'est formidable de pouvoir choisir ses films et de se dire : je vais donner le maximum parce que ce rôle, ce scénario, ce metteur en scène me plaisent, parce qu'il y a un enjeu et que ça m'amuse... J'aime trop ce que je fais pour brader ce plaisir. Parfois, on n'a pas le choix, mais si on ne met pas toute son énergie pour donner le meilleur, on finit par perdre l'amour de ce métier et je m'y refuse.

Version Fémina : Vous avez gardé la rigueur de la danseuse que vous avez été. C'est indispensable ?
Nathalie Baye : Je pense... C'est le travail avant pour savourer pendant. J'ai de la rigueur, mais je ne passe pas à côté de mon plaisir. Avant un film, je travaille beaucoup, je réfléchis au rôle. Après, je m'amuse. Alors que si j'arrivais sur le plateau sans préparation, je jouirais simplement de moins de liberté. Chacun sa méthode. L'essentiel est d'être en accord avec soi-même et de ne pas faire semblant.

Version Fémina : Vous venez de tourner avec Josiane Balasko. C'est un plus de travailler avec une femme ?
Nathalie Baye : Je ne fais pas de différence. C'est le hasard d'avoir enchaîné deux films de femmes. Et la France est le pays où il y a le plus de réalisatrices ! Nicole Garcia signe des portraits d'hommes formidables que peu de cinéastes réussissent. Donc je pense que ce n'est pas une histoire de sexe, mais de talent, comme François Truffaut l'a toujours dit.

Version Fémina : Est-ce que l'écriture et la mise en scène vous tentent ?
Nathalie Baye : Ce n'est pas un passage obligé, mais ça me plairait peut-être de tourner un court-métrage. Cela dit, et sans fausse modestie, on peut être un acteur reconnu et pas forcément un bon metteur en scène. Au même titre, certains réalisateurs ne peuvent pas jouer... Pourtant, il est vrai que les films réalisés par des acteurs ont souvent un petit plus. Mais, pour le moment, je me contente de mon métier d'actrice, qui me comble.

Version Fémina : Est-ce vrai que l'incertitude vous rassure ?
Nathalie Baye : Le danger fait partie de mon métier. J'aime l'inattendu et la surprise. Mais c'est la réaction de quelqu'un de privilégié comme moi qui travaille régulièrement et qui n'aime pas planifier longtemps à l'avance. Le cinéma fonctionne vraiment sur le désir et, parfois, un engagement pris un ou deux ans auparavant vous attire moins ensuite.

Version Fémina : Vous n'avez jamais raffolé des interviews, que vous trouvez impudiques. C'est toujours le cas ?
Nathalie Baye : Je peux parler de mon métier, mais j'ai toujours le sentiment que la meilleure façon de connaître un acteur, c'est d'observer ses choix et son travail. Tout le reste n'est qu'une somme de petits détails. Ce n'est pas pour cultiver un mystère de manière artificielle, mais je trouve que nous donnons déjà beaucoup en jouant. Je ne vais pas vous dire en plus : voilà, je prends mon petit déjeuner à telle heure... [Rires.]