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Article
paru dans L'HUMANITÉ en avril
2002
NATHALIE LA VAILLANTE
Nathalie Baye effectue son grand retour à
la télévision dans "l'Enfant
des Lumières". Entretien.
Propos recueillis
par Michèle Levieux.
Nathalie Baye retrouve
le réalisateur, Daniel Vigne, vingt ans
après Le retour de Martin Guerre,
un de ses films les plus populaires, dans lequel
elle a joué au côté de Gérard
Depardieu. L'enfant des Lumières,
adapté du roman de Françoise Chandernagor,
marque le retour de Nathalie Baye au petit écran.
Dans les années soixante-dix, elle fréquentait
assez régulièrement les plateaux
de télévision. On se souvient du
Portrait d'une jeune femme, d'Alain Boudet
(1975) ou de Madame Sourdis, de Caroline
Huppert (1979). « Pour Nathalie, c'était
le bon moment dans sa vie pour jouer Diane de
Breyves, l'héroïne de L'enfant
des Lumières, – comme pour
Welles avec le rôle de Falstaff –,
nous dit Daniel Vigne. Et pour moi, c'était
le bon moment pour réaliser ce film. Nous
avions tous deux la maturité nécessaire. »
Nous avons rencontré Nathalie au Lutétia,
un de ses lieux parisiens préférés.
L'Humanité :
Comment expliquez-vous ce soudain retour à
la télévision ?
Nathalie Baye : Cela me
faisait plaisir de retrouver Daniel Vigne que
j'apprécie beaucoup. Il y a eu bien sûr
Le retour de Martin Guerre entre nous.
Mais ses récentes réalisations pour
la télévision, dont Fatou la
Malienne, m'ont beaucoup plu. Cela faisait
longtemps que je rêvais de voir réaliser
L'enfant des Lumières, et je pensais
que c'était possible de l'envisager pour
la télévision. En réalité,
j'ai envie de travailler pour la télévision
dans le genre de choses que j'aime bien y voir.
Je la regarde peu et n'aime surtout pas visionner
des films sur le petit écran. Je préfère
aller au cinéma. L'enfant des Lumières
m'a beaucoup séduite parce qu'il offrait
un rôle de femme exemplaire, emportée
dans une histoire d'amour magnifique entre une
mère et son fils, à la fin du XVIIIe
siècle. Je suis vraiment ravie de l'avoir
joué.
L'Humanité :
Est-ce vrai que vous avez œuvré pour
que le film soit tourné dans son lieu d'origine
littéraire, la Creuse ?
Nathalie Baye : Pourquoi
la Creuse ? Parce que je connaissais Françoise
Chandernagor, qui est d'origine creusoise, et
que je suis moi-même très attachée
à cette région. Et l'histoire de
L'enfant des Lumières s'y déroulait.
Françoise avait dit que s'il y avait une
adaptation de son roman à l'écran,
elle aimerait que ce soit moi qui interprète
son héroïne, Diane de Breyves. Quand
elle m'a donné L'enfant des Lumières
à lire, cela m'a énormément
plu. Le tournage dans la Creuse était,
pour moi, une condition sine qua non. Lorsqu'on
avait tourné Le retour de Martin Guerre
en Ariège, dans les lieux mêmes de
l'action, c'était terriblement porteur.
J'ai donc insisté pour que L'enfant
des Lumières soit tourné dans
cette région inconnue des Français,
le pays pourtant très mystérieux
de George Sand et de Claude Chabrol, et qui possède
une campagne somptueuse. J'ai insisté parce
qu'aujourd'hui, sous prétexte de coproductions,
on se retrouve à tourner en République
Tchèque. Et dans ce cas-là j'aurais
dit : « Ce sera sans moi ! »
La Creuse est un élément essentiel
du film, et aussi une partie de moi. Je voulais
rendre à cette région ce qu'elle
m'a apporté, bien que je sache que je n'y
arriverai pas. Mais c'est un renvoi d'ascenseur
et une façon de faire connaître cette
région.
L'Humanité :
Vous m'aviez dit qu'en tournant Le retour
de Martin Guerre en Ariège, vous aviez
retrouvé des Baye. Le cinéma est-il
porteur de mémoire ?
Nathalie Baye : Pendant
plusieurs générations, ma famille
a vécu en Champagne. Mon grand-père,
qui s'appelait Baye, avait fait des recherches
généalogiques. Il m'avait dit que
notre nom était originaire du Sud-Ouest.
Lorsqu'on tournait Martin Guerre, on
m'a dit qu'il y avait quelques Baye en Ariège.
Non seulement les films nous font retrouver des
racines, mais ils nous donnent des mémoires.
Le cinéma contribue à mon absence
naturelle de notion du temps. J'ai un peu le sentiment
d'avoir plusieurs vies en une seule. Comme on
a quelquefois le sentiment d'avoir déjà
fait quelque chose, j'ai celui d'avoir des vécus
que je connais. Ce sont tout simplement ceux de
personnages que j'ai interprétés.
Cela crée une sorte de confusion, pas du
tout troublante mais au contraire assez enrichissante.
Cela me donne le sentiment d'avoir vécu
un peu plus que les autres.
L'Humanité :
Avez-vous été une paysanne ariégeoise,
comme Bertrande de Rols, dont l'amant le faux
Martin Guerre, a été pendu ou bien
une comtesse paysanne creusoise comme Diane de
Breyves, dont le mari s'est suicidé ?
Nathalie Baye : Ce qui est
sûr, c'est mon profond désir de vivre
des aventures paysannes. Je n'ai pas eu assez
de rôles de ce type. J'ai tout fait pour
que le rôle de Diane de Breyves soit plus
physique qu'il n'était prévu au
scénario : j'ai fait rajouter, en
accord avec Daniel Vigne, des scènes de
labour où l'on me voit guider une charrue.
Mais il était important pour que mon rôle
de femme forte soit encore plus crédible,
et pour que mes paysans m'admirent et me craignent
de manière vraisemblable, de montrer que
j'étais capable de mettre la main à
la pâte. De même, la scène
de pêche dans l'étang a été
ajoutée. Cela a pris une journée
de tournage parce qu'il a fallu d'abord vider
l'étang non poissonneux et faire apporter
quatre cents kilos de poissons pour les déverser
dedans. Mais quel plaisir sensuel que d'attraper
les poissons... C'était très curieux
parce que quelques personnes sont venues sur le
tournage, dont des journalistes, et tous étaient
très troublés de me voir complètement
dans mon élément parmi les vaches,
les poules et les cochons. Je ne vis quand même
pas comme ça tous les jours ! Enfin,
pas vraiment !
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