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Article
paru dans LE POINT n°1583,
le 16 février 2001
Nathalie Baye en
toute liberté.
Après Selon Matthieu, on
la retrouvera dans Barnie et ses petites
contrariétés.
Portrait d'une actrice accomplie.
Par
François-Guillaume Lorrain.
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Nathalie Baye est en passe de redevenir notre
actrice la plus populaire. Cette femme d'à
côté, à la fois proche et
lointaine, familière et distinguée,
que tout pays a besoin de voir et revoir hanter
ses cinémas. Solitaire effrontée
dans Vénus Beauté..., mystérieuse
et élégante dans le fantasme avec
Une liaison pornographique, hystérique
rigolote dans Ça ira mieux demain,
Nathalie Baye montre depuis 1998, et après
vingt-huit ans de carrière, qu'elle peut,
tour à tour, faire rire, émouvoir
et troubler. Qui d'autre aujourd'hui en est capable ?
Juliette Binoche, Emmanuelle Béart privilégient
la carte du romantisme et les deux Sandrine (Bonnaire
et Kiberlain) excellent surtout dans le drame
naturaliste. Quant à Catherine Deneuve,
Sabine Azéma et Isabelle Huppert, elles
n'ont jamais pu, malgré leur immense talent,
rompre tout à fait la glace. Nathalie Baye,
elle, fait l'unanimité, quel que soit le
registre abordé, comme le confirment ses
deux films les plus récents : le remarquable
Selon Matthieu, où, avec grâce,
finesse et retenue, elle s'amuse des clichés
de la bourgeoise de province, et Barnie
(sortie le 21 février), vaudeville de Bruno
Chiche, où, épouse déboussolée
d'un mari à la triple vie, elle tient la
dragée haute à un Fabrice Luchini
pourtant déchaîné.
Cette polyphonie
a pris l'allure d'une résurrection :
« C'est venu progressivement,
depuis 1995. Des réalisatrices de mon âge,
Tonie Marshall, Jeanne Labrune, ont pensé
à moi. Pour des rôles plus violents,
plus complexes. Des femmes qui osent. En tant
qu'actrice, j'avais aussi envie d'oser. De ne
plus être seulement la bonne copine ou la
fiancée déprimée, comme il
y a vingt ans. » Période
alors fructueuse en césars – trois
entre 1979 et 1982 – et en succès
commerciaux – La balance,
Le retour de Martin Guerre –,
mais dont Nathalie Baye se souvient avec certaines
réserves : « Je
jouais juste mais en dedans. Aujourd'hui, après
une dizaine d'années en catimini, après
aussi des expériences au théâtre,
je me fiche du regard des autres. Je me lâche
plus. » Cette liberté
nouvelle lui permet d'alterner comédies
à gros budget (elle tourne actuellement
dans le dernier Gabriel Aghion) et films plus
modestes. Mais, surtout, elle habite ses films
et leur insuffle un plaisir communicatif :
« Jamais je ne me suis sentie
aussi bien sur un plateau. Dès que je joue,
mes migraines disparaissent. »
Dans la comédie, elle impose cet éclat
qu'elle a dans les yeux et ce piquant qui rythme
son débit. « Je suis
d'un naturel assez gai. J'adore poser sur les
gens un regard impertinent. »
Dans les films plus dramatiques, ses performances
révèlent une vraie intelligence
des rôles, qui l'incite à soutenir
des premiers films ambitieux – Une
liaison pornographique – et à
s'impliquer à fond dans des films d'auteur :
« En lisant le script de Selon
Matthieu, j'ai senti qu'avec mon personnage
on pouvait aller plus loin. J'ai donc demandé
au réalisateur, Xavier Beauvois, de venir
chez moi, pour qu'on travaille. »
Rares sont ceux, dans le métier, qui allient
cette exigence – « Je
viens de la danse, un milieu dur » –
et une telle générosité envers
autrui. Générosité qui l'amène
ainsi à s'enthousiasmer pour le récent
prix du Premier Roman, « Claude »,
de Bruno Gibert. Aucun doute, Nathalie Baye n'a
plus rien de la petite fiancée aimable
et timide du début des années 80.
Voilà une femme heureuse de jouer ce qui
lui plaît et dont le visage laisse deviner
les signes d'un tel bonheur.
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