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Article
paru dans PREMIÈRE n°129,
décembre 87
NATHALIE BAYE, LA FORCE
DE L'ÉQUILIBRE
Propos recueillis par Jean-Claude
Loiseau.
Deux années
sans cinéma. Ce n'était pas vraiment
une pause pour Nathalie Baye, plutôt un
retour aux sources. À ses premières
amours : le théâtre. Avec Adriana
Monti, elle a remporté un triomphe
sur scène. Aujourd'hui, à l'écran,
elle est Alice, l'héroïne de De
guerre lasse, réalisé par Robert
Enrico.
Première :
Avec De guerre lasse, vous faites votre
retour au cinéma...
Nathalie Baye : Retour ?
Je ne le vis pas comme ça. Cela supposerait
que j'ai d'abord calculé de m'arrêter
puis de recommencer. Les calculs, ce n'est pas
mon fort. J'ai eu envie de théâtre,
j'ai fait du théâtre, et comme l'accueil
du public a été formidable, on a
prolongé. À l'arrivée, il
y a eu trois fois plus de représentations
que prévu. Ce qui est vrai, en revanche,
c'est que j'ai refusé beaucoup de propositions
avant de choisir De guerre lasse. Je
ne voulais pas recommencer à tourner à
n'importe quel prix. Il fallait que j'aie vraiment
envie d'un sujet, d'un rôle. Je les ai eus
avec De guerre lasse.
Première :
Cette envie, elle était déterminée
par quoi ?
Nathalie Baye : Par Alice,
mon personnage dans le film. En lisant le roman
de Françoise Sagan, j'ai senti que je serais
bien dans sa peau. J'ai pensé : « C'est
un rôle que je veux jouer. »
Robert Enrico me l'a proposé. J'ai dit
oui. Alice, c'est une femme que j'aurais aimé
rencontrer, avec qui j'aimerais être amie.
Elle me plaît. J'avais envie d'être
elle. Je comprends ses réactions, le fait
qu'entre ces deux hommes qui l'aiment et qu'elle
aime, elle ne peut pas choisir. Je comprends aussi
qu'au moment où elle vit des choses graves
dans le contexte de la guerre, Alice ait des préoccupations
qui peuvent paraître futiles. Dans la vie,
c'est souvent comme ça. Par ailleurs, cette
femme, elle a une vraie envie de bonheur, et en
même temps, elle a une blessure intime.
Il fallait la jouer dans les nuances. C'était
un passionnant travail d'actrice.
Première
: Un rôle comme celui-ci, on peut l'aborder
avec des certitudes ?
Nathalie Baye : Il n'y a jamais
de certitudes. Le personnage, il a sa forme idéale
avant le tournage. On a rêvé dessus,
on l'a nourri par l'imagination. Tout est possible
dans l'imaginaire. Au tournage, dès que
les images existent, il se fige de manière
irréversible. Après, le personnage
ne m'appartient plus. Je sens que plus j'avance,
plus c'est le moment présent, complètement
privilégié, du tournage qui m'intéresse.
Pour De guerre lasse, je n'ai pratiquement
pas vu les rushes. Je me suis laissée aller
dans le rôle, dans le travail sur Alice.
J'ai travaillé pour aller le plus loin
possible dans l'univers de Sagan, dans celui d'Enrico
et de mes partenaires. J'ai joué avec un
grand bonheur. Me voir ensuite, ça n'a
jamais été un plaisir, et je trouve
que c'est de plus en plus douloureux.
Première :
Pourquoi ?
Nathalie Baye : Parce que
j'ai de plus en plus envie d'aller à l'essentiel,
et l'essentiel, pour moi, c'est de jouer. Quand
le film est terminé, l'émotion est
passée. Et puis, en me voyant sur l'écran,
j'ai tendance à ne retenir que les défauts.
Dans ces cas-là, même le critique
le plus féroce ne m'arrive pas à
la cheville (rires).
Première :
Vous avez dit, en commençant, que vous
ne calculiez pas quand vous choisissez de faire
un film ou non...
Nathalie Baye : C'est absolument
la vérité. J'ai toujours fonctionné
sur le désir. Bien sûr, de temps
en temps, je me fais des réflexions du
genre : après ce rôle, il faudrait
que j'aille plutôt dans telle direction...
Et puis, il suffit qu'on me propose un sujet qui
m'intéresse et je suis alors capable de
me lancer dans une direction tout à fait
opposée. J'écoute les conseils mais,
à l'arrivée, c'est toujours moi
qui choisis. Chaque fois que j'ai choisi un rôle,
je me suis dit : « Je ne peux
pas ne pas le jouer. » C'était
une espèce de nécessité.
Première :
Si vous faites un flashback sur vos débuts,
quelle image apparaît immédiatement ?
Nathalie Baye : L'image
de François Truffaut sur La nuit américaine.
Si je mets entre parenthèses mon apparition
dans un film de Robert Wise (Two people,
1972), mon premier rôle, je l'ai eu dans
le film de Truffaut. C'est lui qui m'a fait aimer
le cinéma, tout simplement. Jusque-là,
je ne pensais qu'à la scène. Au
Conservatoire, avec mes copains, on rêvait
de rideau rouge, de beaux rôles, de grands
textes. Nous avions une passion totale pour le
théâtre. Le cinéma, c'était
quelque chose de lointain. Avec François
Truffaut, je débutais dans des conditions
idéales. Grâce à lui, grâce
au sujet aussi. Je découvrais tout ce que
j'allais aimer sur un tournage : jouer et
être dirigée, faire partie d'une
histoire collective et, en plus, être prise
en charge...
Première :
Aujourd'hui, vous pensez la même chose ?
Nathalie Baye : Oui, tout
à fait. Le temps d'un film, je me sens
vraiment dans un autre monde, ultra-protégée.
Quand je tourne, j'ai l'impression que rien ne
peut m'atteindre. C'est comme si je portais une
cuirasse. Tout est concentré dans le rôle.
En même temps, j'ai conscience que cela
peut paraître très futile par rapport
à tout ce qui se passe à l'extérieur.
Conscience aussi que l'acteur, s'il n'y prend
garde, peut s'infantiliser : il est choyé,
pris en charge, on est attentif à ses moindres
problèmes, on le traite un peu comme un
bébé (rires). Le retour à
la réalité peut être douloureux
si on n'y prend pas garde. À une époque,
j'ai enchaîné film sur film, et c'était
comme si je ne pouvais plus vivre sans feuille
de service...
Première :
La nuit américaine vous a donc
mis le pied à l'étrier, comme on
dit...
Nathalie Baye : J'avais
un petit rôle, mais il existait à
l'écran. Même si, en jouant une script,
je n'avais pas complètement l'impression
d'être actrice. Pour moi, les seuls acteurs
du film, c'étaient ceux qui jouaient...
les acteurs. Aujourd'hui, je me dis que je devais
être crédible puisque Billy Wilder
a raconté à Truffaut qu'il était
persuadé que j'étais vraiment sa
script !... C'était plutôt un
compliment mais, à l'époque, cela
m'a vexée (rires). Dans la foulée,
Pialat m'a demandée pour La gueule
ouverte, et j'ai enchaîné des
petits rôles que j'alternais avec mon travail
au théâtre où j'ai continué
de jouer pendant six ans.
Première :
Des petits rôles, ça ne comble pas
forcément une actrice ambitieuse...
Nathalie Baye : Je ne me
posais pas la question comme ça. J'avais
un appétit invraisemblable. Mais je n'étais
pas à l'affût près de mon
téléphone. Je ne l'ai d'ailleurs
pas été davantage par la suite.
Première :
Pourquoi ? Par orgueil ?
Nathalie Baye : (Elle marque
un temps.) Sûrement. Et puis aussi par timidité,
et par pudeur. Mais il y a surtout la manière
que j'ai toujours eue de vivre ma vie personnelle.
Après La gueule ouverte, mon agent
me cherchait partout, il n'arrivait pas à
me joindre : j'étais amoureuse d'un
monsieur, et j'étais partie avec lui sans
laisser d'adresse (rires). Si je ne vivais que
pour le cinéma, je crois que je ne pourrais
pas jouer. J'ai besoin de vivre des choses fortes
à côté. Les deux aspects sont
pour moi indissociables.
Première :
Dans cette période où on commençait
à vous découvrir, Truffaut vous
a engagée une nouvelle fois (La chambre
verte, 1978) pour un rôle important
cette fois...
Nathalie Baye : Oui, c'est
lui qui m'a redonné l'élan. Mais
je voudrais préciser que cette période
m'apparaît comme un moment privilégié.
Je démarrais, ça marchait, on me
demandait et je n'avais pas vraiment de responsabilité.
Quand j'ai eu mon premier rôle principal,
dans Une semaine de vacances (en 1980),
je n'étais pas ce que l'on appelle une
actrice connue, mais la responsabilité,
je l'ai sentie. Le premier jour de tournage, j'ai
vu toute cette équipe rassemblée,
et j'ai pensé: « Ils vont me
filmer tous les jours pendant des semaines. Ce
n'est pas possible, ils vont en avoir marre avant
la fin !... » (Rires). J'étais
complètement angoissée. Et puis,
il y a eu cette magie habituelle qui fait qu'on
oublie tout ça pour rentrer dans le personnage,
dans l'histoire...
Première :
Et dans les mains du metteur en scène...
Nathalie Baye : Ça
me plaît beaucoup, cet aspect-là
du métier. J'aime être utilisée
comme de la pâte à modeler. Sur le
plateau, j'ai vraiment l'impression de me mettre
en location.
Première :
Cela paraît paradoxal quand on connaît
votre force de caractère...
Nathalie Baye : Ah !
mais je discute. Et si on me persuade que j'ai
tort, j'accepte. Simplement, il faut me convaincre.
Je pense être énergique, on peut
même penser parfois que je suis autoritaire,
mais je me trouve, tout compte fait, assez docile
sur un tournage. Disons qu'il y a une part de
moi qu'on voit moins. Je me sens aussi forte que
fragile. Mais j'ai horreur de montrer mes faiblesses...
Première :
Après Une semaine de vacances,
vous n'avez plus vraiment décroché
de l'affiche. Et vous avez arrêté
le théâtre. Ça ne vous intéressait
plus ?
Nathalie Baye : Franchement,
je ne me suis pas dit ça. Dans le cinéma,
il y a naturellement un engrenage. On y ressent
fortement quelque chose d'éphémère.
Alors, consciemment ou non, on a peur que ça
s'arrête un jour. Quand ça marche,
on a envie de tout accepter, d'en profiter complètement,
et on se dit : « Le théâtre
sera toujours là. » Si j'ai
repris le théâtre au bout de six
ans, c'est parce que, si je ne l'avais pas fait,
je n'en aurais peut-être plus eu le courage
ensuite. Plus le temps passait, plus je savais
que la trouille deviendrait quasiment insurmontable.
Première :
Comment expliquez-vous que les acteurs parlent
toujours du théâtre comme d'un moyen
de se ressourcer ?
Nathalie Baye : Je sais,
ça a l'air d'un lieu commun... Tantpis.
Je le pense aussi. Moi, avant le théâtre,
il y eu la danse dans ma vie. C'est la clé
de tout. J'ai un passé de travail, de rigueur.
Comme danseuse, j'ai travaillé six heures
par jour pendant des années, avec les coups
de baguette sur les genoux, les engueulades, sans
l'ombre d'une complaisance, jamais. J'étais
une assez bonne danseuse, mais ça ne me
rendait pas vraiment heureuse et j'ai commencé
à prendre des cours d'art dramatique. Mais
il m'est resté ce goût de la rigueur
et du travail... que j'ai retrouvé en jouant
au théâtre.
Première :
Et pas au cinéma ?
Nathalie Baye : Pas avec
la même intensité. Pour Adriana
Monti, pendant les deux mois de répétitions,
on a cherché, fouiné dans la pièce,
tenté des tas de directions différentes.
J'ai joué tous les rôles, celui de
la mère d'Adriana, de son mari, de sa bonne.
C'était très excitant, j'ai adoré
retrouver ce plaisir des répétitions
où rien n'est complètement définitif,
où on peut ajouter, soustraire... De ce
point de vue, ce qu'il y a de terrible au cinéma,
c'est que tout est très vite définitif :
une fois que la caméra vous a pris des
choses, elle ne vous les rend plus.
Première :
Donc, idéalement, il faudrait des semaines
de répétitions au cinéma ?
Nathalie Baye : Peut-être.
Je rêverais de faire un film avec un brouillon
avant. Godard l'avait envisagé pour Sauve
qui peut (la vie). Il avait très envie
de le faire d'abord en vidéo et puis de
le refaire ensuite "au propre", comme
on dit à l'école (rires). Il a dû
abandonner l'idée pour des raisons de budget.
Et de non-disponibilité des acteurs. La
plupart d'entre nous avions d'autres contrats
dans la foulée, mais je ne suis pas certaine
que c'était réalisable.
Première :
Pourquoi ?
Nathalie Baye : Parce que
les acteurs sont des flemmards professionnels.
Des flemmards qui travaillent beaucoup, si on
veut (rires). Simplement, ils ont envie de résultats
tout de suite. Avec Godard, j'ai appris la disponibilité.
En arrivant sur le tournage de Sauve qui peut...,
j'étais remontée à bloc,
j'avais plein d'idées, une énergie
et une envie de tourner invraisemblables. Et puis,
j'ai poireauté huit jours sans rien faire.
Godard passait me voir un quart d'heure par jour,
il parlait à mes chats, ne me disait pas
un mot et repartait comme il était venu.
Au bout d'un moment, je suis devenue végétative.
Avec le rythme de Lausanne, lent, tranquille en
prime, je décompressais... C'est au moment
où j'ai été vidée
de tout que Godard m'a demandé de tourner.
J'ai râlé, je l'ai trouvé
odieux parfois, mais je crois que c'est lui qui
avait raison.
Première :
De cette expérience-là et de celle
que vous avez revécue avec Godard sur Détective,
vous avez tiré des leçons ?
Nathalie Baye : Je ne suis
pas du tout une inconditionnelle de Godard, il
y a souvent des choses qui me rasent dans ses
films, mais dans l'un et l'autre films que j'ai
faits avec lui, il a pris des choses de moi que
personne n'avait vues auparavant. Il a su me regarder.
C'est inestimable pour un acteur de se sentir
bien regardé.
Première :
Et quand le metteur en scène ne sait pas
regarder l'acteur qu'il filme ?
Nathalie Baye : C'est très
douloureux. J'ai eu plutôt de la chance
jusqu'à maintenant. Mais c'est aussi que
je n'ai jamais aimé travailler avec un
metteur en scène qui me demandait pour
ce que je savais déjà faire. J'ai
toujours été attirée par
ceux qui voulaient me faire faire des choses pas
forcément évidentes pour moi.
Première :
Par exemple ?
Nathalie Baye : Bob Swaim,
pour La balance. Le film a été
un gros succès, alors on a fait la fine
bouche, mais je trouve que c'était assez
gonflé de sa part de me faire jouer une
pute agressive, moi qui sortais de rôles
de provinciale discrète, d'institutrice
à la dérive... Changer de peau,
j'ai cherché ça, dès le début.
Au Conservatoire, pour le concours, j'avais présenté
Le jeu de l'amour et du hasard et Une
putain respectueuse justement, plus un personnage
d'idiote dans La prochaine fois, je vous le
chanterai. J'ai toujours eu cette ambition-là.
Première :
Vous pensez qu'il y a des facettes de vous qu'on
n'a pas encore mises en lumière à
l'écran ?
Nathalie Baye : Je ne sais
pas. Quelqu'un a dit : « Quand
on ne vous connaît pas, on ne vous imagine
dans rien, et quand on est reconnu, on vous imagine
dans tout. » Mais, souvent, la curiosité
des metteurs en scène n'est pas si grande.
Moi, je pense qu'en abordant des registres différents,
je peux m'amuser davantage. Dans le prochain film
d'Alain Jessua que je viens de terminer (En
toute innocence, avec Michel Serrault), ça
m'a intéressée de jouer une garce
intégrale, violente et parfois hystérique...
Première :
On imagine que tous les films que vous avez faits
ne vous ont pas laissé des souvenirs impérissables...
Nathalie Baye : Même
si le film, à l'arrivée, est raté,
il reste le plus souvent des plaisirs de tournage.
J'ai aimé rencontrer Claude Brasseur sur
Monsieur Papa (de Philippe Monnier, 1977),
même si je n'ai à peu près
plus aucun autre souvenir de ce tournage. Rive
droite, rive gauche (de Philippe Labro, 1984),
je ne l'aurais peut-être pas fait si ça
n'avait pas été avec Gérard
Depardieu. J'avais joué au théâtre
avec lui, et surtout, j'avais fait Le retour
de Martin Guerre (de Daniel Vigne, 1981),
un de mes meilleurs souvenirs de tournage. Jouer
ces personnages-là, aussi pleins de secrets,
aussi habités par la passion, c'est magnifique...
Première :
Vous prenez-vous au jeu des personnages que vous
interprétez ?
Nathalie Baye : Je ne sais
pas faire autrement. Je ne peux pas rester extérieure,
me contenter de l'expérience acquise pour
donner le change. Alors, les choses ne se font
pas sans qu'on y laisse des plumes. Un rôle,
ça vous apporte, ça vous nourrit,
ça peut vous donner un bonheur incroyable
mais, en même temps, ça laisse forcément
des petites déchirures. Il y a un vertige
à être quelqu'un d'autre. Chercher
des émotions en soi, ce n'est pas toujours
confortable. Pendant le tournage, je pense qu'un
acteur n'est pas tout à fait normal. On
vit des moments de sensibilité à
fleur de peau...
Première :
Vous disiez que, sur un tournage, vous vous sentiez
très protégée...
Nathalie Baye : Par rapport
à l'extérieur, oui. Mais dans le
travail sur un rôle, on passe par des moments
qui ne sont pas forcément agréables.
Si je dois jouer la colère ou la douleur,
par exemple, il peut arriver que je la cherche
longtemps avant de tourner la scène. Et
ensuite, je dois la garder pour pouvoir la sortir
à l'instant du clap. Moi, j'ai besoin de
m'isoler sur un plateau, je ne suis pas le genre
à faire l'andouille deux minutes avant
une prise... Et puis, à partir du moment
où on invente, il y a toujours le risque
de ne pas trouver, le doute, la panique, l'impression
d'être vide. Cet état-là est
très, très particulier, et, dans
tous les cas, je ne trouve pas que ce soit un
état normal.
Première :
Vous prenez des risques alors ?
Nathalie Baye : N'exagérons
rien. Pour un acteur, le seul risque réel,
c'est d'accepter un rôle qu'il n'a pas vraiment
envie de faire.
Première :
Le dernier film que vous avez tourné avant
de refaire du théâtre, c'était
Lune de miel (de Patrick Jamain, 1985).
Vous étiez à l'origine du projet,
vous y teniez beaucoup. Et on peut dire que ça
a été un bide. Comment l'avez-vous
pris ?
Nathalie Baye : D'abord,
je ne suis pas d'accord sur le mot « bide
». Deux cent trente mille entrées
à Paris, c'est un score que peu de films
français obtiennent aujourd'hui. Maintenant,
personne ne parlerait de bide... Il est vrai que
le film est sorti au moment où, la situation
générale commençait à
se dégrader, et les entrées à
baisser. J'ai été une des premières
victime de la fameuse crise (rires). Cela dit,
je l'ai vécu comme un échec parce
que ce n'était pas le film que je souhaitais.
Il y avait un vice de construction qui gâchait
le suspense. J'aimerais le revoir aujourd'hui...
Première :
Sur un premier film dont vous étiez à
la fois le moteur et la vedette, vous ne pouviez
pas intervenir ?
Nathalie Baye : Non, parce
que ce n'est pas du tout dans mon caractère
de faire ça. Je n'ai jamais osé
demander à contrôler quoi que ce
soit.
Première :
Vous comprenez la démarche des stars qui
ne choisissent plus leurs films qu'en fonction
de l'image qu'ils ont ?
Nathalie Baye : Je comprends.
Mais si on est un vrai acteur, il y a forcément
un moment où l'on doit étouffer
dans cette image. Les stars, les vraies, ont un
orgueil démesuré. Leur seule obsession,
c'est d'être et de rester les premiers.
C'est un travail constant que d'entretenir l'image.
Le danger, c'est que le public finit par ne plus
voir que le personnage et plus du tout l'artiste.
Alors, un jour, l'envie les prend de prouver qu'ils
sont encore des acteurs. Ils en crèvent
tous d'envie. C'était le cas d'Alain Delon
quand il a voulu faire Notre histoire
de Bertrand Blier. Au passage, c'est un de mes
films préférés parmi tous
ceux que j'ai faits, avec Martin Guerre,
Sauve qui peut (la vie), La balance...
Eh bien, sur le tournage, Delon n'était
plus un personnage. Il est revenu à son
métier d'acteur, et il en a tiré,
c'était évident, un vrai plaisir.
Première :
Vous aviez une image de star dans la tête
en débutant ?
Nathalie Baye : Non. Sauf Marilyn
peut-être. La seule star qui était
un personnage hors du commun, à mes yeux.
J'admirais plutôt les acteurs au sens fort,
Katharine Hepbum, Spencer Tracy... Mais aujourd'hui,
le mot star ne veut plus rien dire. Et d'ailleurs,
je crois bien que ça n'existe plus. Certains
jouent à la star, mais il n'y en a plus.
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